La mesure, les capteurs et stations sismologiques, les réseaux sismologiques
Comment est mesurée l’heure par l’observatoire astronomique ?
Ce calcul se fait par rapport au soleil, aux astres (qui donnent des repères à des moments très précis, par exemple le moment où le soleil est à son zénith) et une horloge très précise qui découpe le temps jusqu’à des fractions de secondes. En sismologie, on utilise l’heure internationale (TU-temps universel), pour l’heure d’arrivée d’une onde à une station donnée ou l’heure du séisme, afin d’avoir une référence unique à l’échelle mondiale.
En savoir plus suivre les liens suivants Heure en France et Temps universel.
Comment étalonnez-vous les instruments ?
Les instruments sont testés et étalonnés en laboratoire, soit par rapport à un capteur de référence soit en utilisant des vibrations (table vibrante) et en vérifiant la mesure de l’instrument.
Les capteurs Wiechert (nom du sismomètre conçu par Emil Wiechert et présent au musée de sismologie de Strasbourg) ne sont que mécaniques ?
Oui, c’est uniquement de la mécanique de précision.
Pour les capteurs Wiechert, le système de masse et d’écriture (enregistrement) sont-ils découplés ?
Oui, sinon on ne verrait aucun séisme. La masse du Wiechert est un pendule inversé, posé sur le sol qui lui supporte aussi le système d’enregistrement. La masse bouge donc par rapport au système d’enregistrement.
Pourquoi avoir une forte densité de stations autour de Strasbourg ?
Nous avons installé nos premières stations en 2017 à Strasbourg, proche de l’EOST, afin de les tester. En 2018, observant une activité croissante de la microsismicité, nous avons décidé d’augmenter le nombre de stations autour de Strasbourg. Cette démarche nous a permis d’étudier précisément la crise de Strasbourg fin 2019. Dans le projet en cours (ANR PrESENCE), notre objectif est de rajouter des dizaines de stations pour couvrir une zone plus étendue et densifier le réseau en réduisant la distance entre les stations.
Est-ce que le maillage du réseau est fortuit, en fonction des volontaires ou imposé ?
Nous partons d’un maillage théorique optimal. Ensuite il est adapté, dans certaines limites, en fonction d’une part de la localisation des volontaires et de leur profil sociologique pour les études en Sciences Humaines et Sociales via des entretiens des hébergeurs et d’autre part de la présence à proximité de sources de bruit anthropique importantes (route très fréquentée, chemin de fer, exploitation de carrières, etc.).
Y a-t-il un intérêt de placer les stations tous les 2km comme dans le projet ?
Oui, si on veut regarder et étudier la sismicité proche. Cela nous permet de détecter des petits séismes, de bien les localiser et surtout de bien connaître leur profondeur. Si les stations sont éloignées, on a une incertitude forte sur la profondeur. Par contre, si l’on veut observer la sismicité lointaine, l’intérêt est réduit sauf pour des applications très particulières.
Quand je pars, je coupe ma box internet pour me protéger de la foudre. Comment faites-vous alors ?
Lorsque l’appel à volontaire a été fait, on a précisé qu’il y a un engagement de laisser la station sismologique branchée 24h/24, ce qui suppose ne pas la débrancher ni de la prise électrique ni de la box internet. Notre objectif est de ne pas avoir de coupure pour suivre en continu l’activité sismique. L’absence de données est la hantise du sismologue. Si vous débranchez la station de la box, il y a une mémoire interne des 7 derniers jours, mais on doit se déplacer pour la copier avant 7 jours. Si ce n’est pas fait, les mesures sont définitivement perdues. Si plusieurs hébergeurs coupent la transmission et qu’un séisme a lieu, on peut perdre notre capacité à détecter et localiser précisément ce séisme ou les séismes d’une séquence.
Si une personne achète une station directement, sans passer par les tests sur la plateforme de l’EOST, est-elle utile et a-t-elle une valeur scientifique ?
Si cette station est disponible à tous, donc à l’EOST, elle est bien sûr utile. Dans nos tests, on montre qu’en dehors de cas très rares, elles sont conformes aux spécifications du constructeur. Par contre, n’ayant pas sa localisation exacte, dû au floutage des coordonnées, on aura plus d’incertitude sur les localisations des séismes et les effets du sous-sol sur les signaux (effets de site).
Il y a donc un intérêt pour des particuliers ou des associations d’acheter des stations pour se défendre ?
La mesure a un intérêt certain, elle permet de quantifier précisément la secousse là où est le capteur. Dans ce cas, on s’intéresse au site d’observation.
Si on est intéressé par la source, où a lieu le séisme et quelles sont ses caractéristiques, il faut plusieurs capteurs et des outils d’analyses mais aussi une compétence métier pour un contrôle qualité des résultats. Il y a un aspect expertise qui peut s’acquérir. Pour un observatoire sismologique, on a besoin de la mise à disposition des données de façon publique, ce qui augmente l’intérêt de la mesure (les sismologues ont compris depuis longtemps que le partage des données est indispensable) et le besoin des coordonnées précises de la station.
A quelle hauteur peut-on installer les stations ?
Le principe de base, lorsque l’on est intéressé par le mouvement du sol, est de positionner le capteur au niveau du sol naturel. Dans un bâtiment, il peut s’agir du sous-sol ou du RDC. On accepte l’installation au 1er étage car le mouvement n’est quasi pas modifié (son amplitude) dans ces conditions. Par contre, il est toujours posé au niveau du sol ou du plancher, jamais sur un objet, un meuble ou un mur.
Est-ce que vous projetez de faire un déploiement de stations si le projet de STELANTIS se réalise ?
Il n’y a pas de projet à court terme de déploiement de stations au-delà de ceux déjà installés dans la région de Mulhouse. Mais rien n’est exclu à priori dans le futur si l’on a les moyens nécessaires (humains et financiers).
Est-ce qu’il y a d’autres universités qui ont ce type de déploiement de stations RaspberryShake ?
En France hexagonale, il y a d’autres collègues qui ont installé des stations RaspberryShake, notamment dans le secteur de Pau et de Lacq dans les Pyrénées. Nous avons été les pionniers en France et nous sommes les seuls sur une surface aussi grande (Alsace et Vosges) et avec un nombre aussi important (plus d’une centaine en 2024) et des interactions aussi régulières avec les hébergeurs. Si l’on regarde au niveau mondial, il y a diverses initiatives, plus ou moins importantes, souvent orientées vers des projets d’éducation des élèves, assez rarement pour un objectif d’observatoire sismologique comme dans notre cas. Lors du dernier congrès Européen de Géoscience (EGU) réunissant des scientifiques du monde entier, des projets anglais et irlandais à destination du grand public et un projet intégré à un observatoire sismologique ukrainiens ont été présentés.
L’observation, les enregistrements
Est-ce que les sismogrammes sur papier ont été numérisés ?
Oui, les sismogrammes des séismes les plus importants d’Europe ont été numérisés dans les années 2000. D’autres initiatives comparables ont eu lieu à divers endroits de par le monde. Mais tous les sismogrammes mondiaux n’ont pas encore été numérisés. Il s’agit du « scan », donc d’une « photo », de l’enregistrement papier. En savoir plus.
Quelle est la durée d’enregistrement sur un papier pour les stations Wiechert (nom du sismomètre conçu par Emil Wiechert et présent au musée de sismologie de Strasbourg) ?
Une journée (24h).
Est-ce que l’on enregistre en permanence ?
Oui, tout le temps en continu 24h/24, en essayant de n’avoir aucune interruption. Savoir qu’il n’y a pas eu de séismes ou de n’en louper aucun est très important pour analyser leur fréquence et calculer des probabilités de séismes futurs. Ne pouvant prévoir les séismes, perdre des enregistrements diminue aussi la qualité des résultats. De plus, le signal enregistré entre les séismes (bruit sismique) est aussi une source d’information qui est de plus en plus utilisée.
Est-ce que le 19 tonnes (sismomètre au musée sismologique de Strasbourg ayant une masse de 19 tonnes) fonctionnait pendant toute la durée des travaux du TRAM ?
Oui, y compris dans la 1er version du TRAM.
Quand le bâtiment bouge, cela influe sur le capteur ?
Oui, si une station est dans un bâtiment qui bouge, il va enregistrer ce mouvement. Pour éviter l’influence du bâtiment sur la mesure, on cherche à déconnecter le bâtiment du capteur autant que possible. Pour une station permanente, on isole (sépare, découple) le socle où est posé le capteur du bâtiment. C’est le cas pour les Wiechert du musée sismologique où l’on voit une découpe dans le sol du bâtiment pour isoler le capteur.
Pour les Raspberry Shake, ils sont obligatoirement dans un bâtiment. On limite le déploiement au sous-sol, RDC ou max le 1er étage, pour éviter que le mouvement enregistré soit affecté par la hauteur du bâtiment et donc d’une amplification du mouvement par le bâtiment. L’idée est de rester au plus près de la secousse du sol. Par contre, les bâtiments importants et hauts retransmettent leurs vibrations au sol (dues au vent ou à une secousse sismique) via les fondations et peuvent ainsi impacter la mesure. On limite donc les installations de Raspberry Shake dans de petits bâtiments pour nos applications.
Est-ce normal que les tirs de carrières ne sont pas détectés ?
S’ils sont très petits et qu’il n’y a pas de stations proches, on peut ne pas les détecter ou sur trop peu de stations pour les localiser. Sinon, surtout avec un réseau dense, on les observe très bien, comme les séismes. Ils sont d’ailleurs beaucoup plus nombreux que les séismes mais l’objectif d’un observatoire sismologique n’est pas de tous les localiser, donc seulement certains apparaissent dans les catalogues. Il y a d’ailleurs tout un travail pour différentier un séisme d’un tir de carrière. Les tirs de carrières les plus importants sont répertoriés dans nos bases de données et catalogues. Et nous gardons aussi le signal enregistré 24h/24 permettant de travailler ce sujet. A noter que les exploitants de carrières appliquent de plus en plus des techniques limitant fortement les secousses.
En allant sur le site Renass, vous trouverez certainement de nombreux tirs de carrière dans la liste des évènements récents.
Mon RaspberryShake ne voit pas les tirs de carrière proches.
Il est peut-être nécessaire de faire un contrôle de la station, envoyez-nous un mail pour regarder cela.
Les signaux via le site RaspberryShake ou en local sont-ils identiques, même finesse ?
Les signaux ne sont pas modifiés, ils sont les mêmes. Sur l’hélicorder en local (via rs.local), cela reste un affichage simplifié et avec une résolution faible mais c’est bien les signaux enregistrés. Via l’interface de RaspberryShake, ces signaux correspondent à l’enregistrement et sont des données numériques, pas seulement un affichage. On peut donc lui appliquer divers traitements. Les signaux que nous recevons à l’EOST, que ce soit via RaspberryShake ou directement de la station via le VPN, sont identiques. Via le VPN, on réduit fortement la perte de données lors de la transmission entre la station et l’EOST mais on ne change pas la mesure.
Peut-on récupérer le signal enregistré ?
Oui, via l’interface RaspberryShake si vous avez accepté le partage des données. Il n’y a pas de procédure simple en local sans passer par le site RaspberryShake. Sur la page “Station view” du site web de Raspberry Shake (lien direct), il est possible de faire une requête de données via le bouton “Build your own data request” après avoir sélectionné une station. Vous pourrez grâce à l’interface construire votre propre requête en choisissant la période et les stations. Les données récupérées sont au format international mseed qui demande des outils spécifiques pour pouvoir être visualisées et/ou traitées. Voir la page ressources.
Est-ce que les stations sont trop bruitées ?
Cela dépend des stations et des moments de la journée. Si elle est trop bruitée, donc inexploitable, nous en cherchons l’origine (station, lieu dans le logement, environnement extérieur, etc.) et si nous ne trouvons pas de solution elle est déplacée. Les stations actuellement déployées ne sont donc pas « trop bruités ». Malgré cette limitation, elles ont un apport incontestable au suivi de la sismicité et sa caractérisation fine.
Est-ce que les données sont envoyées automatiquement si l’on coupe la station pendant quelques heures ?
Pour les coupures courtes, quelques secondes, il y a une récupération automatique. Pour les coupures plus longues, les signaux sont enregistrés sur une carte mémoire dans la station, qui a une capacité d’environ 7 jours. L’accès aux données nécessite d’accéder à la station en se déplaçant ou pour certaines via une action manuelle. Après 7 jours, les mesures sont définitivement perdues. C’est la raison pour laquelle nous demandons que la station reste connectée 24h/24. Le nombre de stations installées nous permet cependant de limiter l’impact de la perte de quelques données pour nos travaux.
A quelle période a-t-on fait la transition entre les enregistrements sur papier et numériques ?
En France, cette transition s’est faite dans les années 1960, avec des technologies qui ont évolué depuis. Au début, on n’enregistrait que les plus gros séismes avec un seuil de déclenchement et donc ce n’était pas en continu. Le passage aux enregistrements en continu a été fait dans les années 1990-2000 avec l’augmentation des capacités des mémoires informatiques et des transmissions.
Est-ce que les données des RaspberryShake du projet sont utilisées par d’autres organismes ou industriels.
Les données diffusées via RaspberryShake, avec l’accord de l’hébergeur, sont disponibles publiquement avec un « floutage » des coordonnées de la station jusqu’à 1 miles (environ 1,6 km). Nous n’avons pas moyen de savoir si elles sont utilisées par d’autres. A minima, RaspberryShake les utilise pour des localisations automatiques.
Les analyses, travaux, applications, la sismicité
Est-ce qu’il y a un historique des mouvements du sol et des explosions nucléaires ?
Oui, l’historique des événements sismiques est listé sous la forme d’un “catalogue sismologique” et il contient aussi des événements qui ne sont pas des séismes naturels. C’est le cas des explosions nucléaires qui ont été détectées et identifiées par les observatoires sismologiques et sont notées dans les catalogues, ainsi que les impacts de météorites, bangs d’avion, tirs de carrière. Vous pouvez vous faire une idée des événements listés en recherchant un événement dans le catalogue sismologique du BCSF-Rénass, et voir les choix à votre disposition (cf lien). Cependant, même si ces événements “hors séismes naturels” ont été enregistrés, ils ne sont pas tous analysés, aussi le catalogue n’est pas exhaustif à leur sujet. Le mouvement du sol enregistré à chaque station est conservé (la valeur de l’amplitude du mouvement du sol et les enregistrements associés) dans les “bulletins sismologiques” et des bases de données sismologiques. En savoir plus.
Comment se fait une localisation d’un séisme ?
On tient compte de la vitesse des différentes ondes, des temps d’arrivée aux diverses stations et on calcule un épicentre par des méthodes de triangulation. En savoir plus.
Comment arrive-t-on à distinguer les différentes ondes ?
Les différentes ondes se distinguent par leur ordre d’arrivée, leur amplitude et leur forme (mouvement haute ou basse fréquence). Le moment marquant l’arrivée de l’onde peut parfois être difficile à identifier car la station enregistre aussi le bruit sismique (petites secousses liées à l’activité humaine, l’effet du vent sur les installations ou les arbres proches, la houle maritime, etc.). On peut alors utiliser des « traitements du signal » qui permettent d’améliorer la détection des temps d’arrivée des ondes et de « nettoyer » le signal. Des méthodes automatiques donnent des résultats de plus en plus précis, en apprenant par exemple des analyses passées, appelées « méthodes d’apprentissage » ou « intelligence artificielle ». En savoir plus.
Est-ce que vous publiez vos travaux ?
Oui, on présente nos travaux à des congrès nationaux / internationaux et on publie dans des revues spécialisées nationales / internationales. Les résultats de nos travaux sont publics. Nous avons par exemple publié plusieurs articles scientifiques sur les séismes induits de la région de Strasbourg. Voir page Ressources.
C’est quoi le séisme de Sierentz ?
C’est un séisme naturel qui a eu lieu à proximité de Sierentz le 10 septembre 2022 à 17h58 (heure locale) associé à une magnitude d’environ 4,8 et à environ 14 km de profondeur. L’intensité maximale des secousses a été de V (« cinq » en chiffre romain utilisé pour l’intensité macrosismique) sur l’échelle EMS98.
Il a été ressenti jusqu’à Strasbourg où la population a cru dans un premier temps que la secousse était due à l’activité géothermique, avec de nombreux échanges sur les réseaux sociaux dans ce sens, mais c’était bien un séisme naturel près de Mulhouse. En savoir plus.
J’ai calculé lors du séisme du Japon le temps que l’onde avait mis pour arriver à ma station chez moi. Elle avait mis environ 18’ ce qui fait une vitesse d’environ 9km/s. C’est juste ?
Cela dépend de quelle onde on parle, il y a les ondes de volume qui traversent la terre en profondeur (le volume de la terre) et les ondes de surface qui se propagent à la surface de la terre et dans ces deux catégories il y a diverses ondes. La vitesse de ces ondes varie en fonction des matériaux traversés. La vitesse apparente est donc une sorte de « moyenne ». Ceci est représenté sur des « hodochrones ».
Pour le séisme du Japon, l’onde P a mis environ 12’ pour arriver en Alsace et l’onde S environ 24’ pour une distance épicentrale d’environ 9200 km.
En savoir plus en allant sur les liens suivants :
http://www.isc.ac.uk/standards/phases/
http://rssp.irap.omp.eu/DocPedagogiques/Posters/sismologie_message.pdf
http://florimont.info/premiere/controlegeologie2.html
https://edu.obs-mip.fr/les-ondes-sismiques/
Question posée par les sismologues aux hébergeurs : Avez-vous regardé les signaux sur vos capteurs, leur origine ?
Réponses hébergeurs :
Oui, j’ai regardé l’effet de mon enceinte sur l’enregistrement
Suggestion des sismologues :
Il y a plein de choses à identifier en dehors des séismes. Assez facile, vous pouvez par exemple regarder si vous voyez le cycle essorage de votre lave-linge. C’est très particulier et cela se voit en général très bien.
Que cherchent les sociologues via les entretiens ?
Quel est l’impact d’héberger un capteur et la participation au projet sismo-citoyen ? Par exemple, quelle est la motivation de participer à un tel projet : intérêt pour les observations, pour la technologie des capteurs, etc. Qu’est-ce que cela change : recherche d’une connaissance plus profonde de la sismicité, de la sismologie, compréhension du travail des chercheurs, connaissance plus précise de la micro-sismicité, etc.
Est-ce que la présence de séismes ressentis a permis d’avoir de plus nombreux volontaires ?
La comparaison avant et après les séismes ressentis est difficile car les moyens et méthodes utilisés pour l’appel à volontaires ont été différents. La campagne de communication via la ville de Strasbourg a très bien fonctionné du fait du nombre d’abonnés aux réseaux sociaux de l’Eurométropole. On a ainsi eu plus de 200 candidatures pour une trentaine de sites recherchés. Dans l’outre-forêt, cela a été bien plus compliqué mais pas insoluble. Sans pouvoir le prouver actuellement, il est probable que les séismes ressentis à Strasbourg ont réveillé l’intérêt des citoyens. L’étude sociologique donnera peut-être un éclaircissement.
Comment fait-on la discrimination entre séisme naturel et séisme induit ?
Les signaux sismologiques, en d’autres termes les ondes émises par un séisme naturel ou induit, sont identiques car le mécanisme en jeu est le même, un glissement sur une faille. Les critères utilisés pour les différencier sont notamment liés au lieu (proximité d’une zone d’activité dans le sous-sol), à la profondeur (faible profondeur ou proche de la profondeur de l’activité, par exemple la profondeur du fond de puit de forage et d’injection), et/ou à une augmentation locale de l’activité sismique en lien avec les activités dans le sous-sol (notamment injection, volume d’eau, pression, extraction etc.).
Est-ce que vous utilisez la géologie de terrain pour vos localisations ?
Oui car les ondes se propagent à des vitesses qui varient selon la géologie et leurs amplitudes s’atténuent plus ou moins vite avec la distance selon les roches ou terrains traversés. Mais nos connaissances ont une certaine limite et les modèles géologiques utilisés en sismologie restent souvent simplifiés. Dans des études particulières, avec beaucoup de mesures, on peut fortement améliorer notre connaissance du sous-sol et ainsi limiter les incertitudes sur les localisations.
Impact des séismes, protection, parasismique
A-t-on en France un système qui informe sur l’arrivée de la secousse quelques secondes plus tôt ?
Il n’y a pas de système d’alerte rapide (« early warning ») opérationnel en France (hexagonale et outre-mer). Ces systèmes, quand ils existent, sont basés sur la transmission d’une alerte lorsqu’un signal, l’arrivée d’une onde de forte amplitude, est observé sur une ou plusieurs stations. Dans les premiers kilomètres autour de l’épicentre, l’alerte rapide ne peut pas arriver avant la secousse, c’est ce que l’on appelle « la zone d’ombre ». Au-delà, pour les séismes attendus en France hexagonale, la secousse n’est que très rarement destructrice et l’action de protection doit être extrêmement rapide. Elle garde un intérêt pour la mise en protection automatique de certains procédés industriels par exemple.
Ces systèmes d’alerte rapide ont un intérêt dans les zones de subduction notamment afin d’alerter sur l’arrivée d’un Tsunami, lequel se propage beaucoup plus lentement que les ondes sismiques. Ce système d’alerte aux tsunamis existe en France hexagonale, il s’agit du CENALT, et pour les Caraïbes, il s’agit du PTWC.
En savoir plus en allant sur les liens suivants :
https://www.shakealert.org/
https://www.jma.go.jp/jma/en/Activities/eew.html
https://www.tsunami.gov
https://www.info-tsunami.fr/
Pouvez-vous nous préciser les aspects argiles, fissures et vibrations ?
Les constructions peuvent se fissurer lors d’un séisme, du fait de secousses importantes du sol. La présence d’argiles dans les terrains sous les maisons peut aussi générer des fissures mais par un processus différent et lent. Les argiles gonflent quand elles sont mouillées et se contractent lorsqu’elles sont déshydratées. On parle de « retrait-gonflement des argiles ». Les constructions au-dessus des argiles peuvent subir des dommages importants si elles ne sont pas conçues en conséquence. En ce qui concerne le lien entre secousses et présence d’argiles, on note une amplification des secousses à certaines fréquences liée à l’épaisseur des argiles et la faible vitesse de propagation des ondes dans ce matériau. On appelle cela les effets de site. Donc oui, la présence d’argiles peut impacter la secousse, mais c’est aussi le cas des sédiments non consolidés.
Par ailleurs, il y a aussi un impact de la hauteur de la nappe d’eau sur la propagation des ondes sismiques et donc sur les secousses. On voit l’effet de la nappe et des argiles dans nos travaux utilisant le bruit de fond sismique.
Enfin, en cas de forte secousse lors de très grands séismes, le sol gorgé d’eau et avec des couches d’argiles peut perdre sa cohésion et se comporter comme un liquide lorsqu’il est fortement secoué. On appelle cela la liquéfaction du sol. Dans ce cas, les bâtiments peuvent basculer ou s’enfoncer s’ils ne sont pas conçus en conséquence.
En savoir plus : les dossiers thématiques et les actions de prévention
Les communes devraient faire appel à des bureaux d’études pour avoir des capteurs sur différents sols
On a déjà une information via les différents capteurs installés, mais il faut des pairs de stations pour regarder ce qui se passe entre elles et faire une corrélation entre les capteurs qui mesurent le niveau de la nappe phréatique.
Il y a un autre intérêt d’avoir plusieurs capteurs par commune qui est d’identifier les effets de site, c’est-à-dire l’effet des terrains non consolidés proches de la surface qui ont tendance à augmenter l’amplitude et la durée des secousses.
Peut-on prévoir les séismes, a-t-on la technique ou technologie pour cela ?
Il est toujours impossible de prévoir un séisme, c’est-à-dire le lieu, la date et sa taille, même de façon approximative. On connaît cependant assez bien les zones d’activité sismique, la plupart des grandes failles actives et les séismes qui ont eu lieu depuis quelques centaines d’années (pour les plus forts). A partir de ces observations, des processus en jeu, des connaissances par exemple sur la propagation des ondes, on réalise un « modèle » qui va nous permettre de calculer une probabilité de « secousses » dans le futur et ainsi estimer un « aléa sismique ». Ce résultat sert ensuite à dimensionner les règles de constructions parasismiques. En savoir plus.
Quelle est l’évolution des normes pour les ouvrages particuliers ?
Les normes ont évolué de façon périodique depuis les années 1950, parfois suite à de très forts séismes et l’identification de faiblesses ou d’observations nouvelles. Au-delà des normes, il y a les arrêtés de mise en application.
Il y a deux aspects, le premier c’est l’estimation de l’aléa, quel est le niveau de secousse auquel je peux m’attendre, et le second la construction parasismique, comment je fais pour me protéger de cet aléa selon l’enjeu de ma construction.
Pour les « installations nucléaires de base », cf le site de l’ASN (Autorité de sureté nucléaire).
En savoir plus sur les constructions, les textes réglementaires et la réglementation.
Y-a-t-il des essais sur table vibrante avec des bâtiments à l’échelle 1:1 ?
Il y a plusieurs tables vibrantes pour tester des constructions parasismiques qui sont à l’échelle 1:1 = grandeur nature.
Lien vers deux exemples : au NIED au Japon et au NHERI/UC San Diego en Californie – USA.